Souveraineté Industrielle et Donald Attitude : l’opportunité de la liberté ?

Souveraineté Industrielle et Donald Attitude : l’opportunité de la liberté ?

En relisant ce texte, je me rends compte du nombre impressionnant de points d’interrogations que j’y utilise. Ça doit vouloir dire un truc mais je ne sais pas quoi… J’espère qu’ils ne vont pas bientôt faire l’objet d’un quelconque embargo, sinon mon billet deviendra totalement illisible. A lire vite, donc…

J’ai longtemps cru que le concept de « souveraineté industrielle » était une ânerie, et puis il y a eu Donald.

Avant Donald, je pensais que les entreprises privées qui se partagent la planète, de JP Morgan à Samsung, en passant par Alibaba et Google, étaient suffisamment puissantes pour que leur business soit à l’abri de toute facétie d’un gouvernement « qui compte ». Etait-il même imaginable qu’un tel gouvernement se montre un jour facétieux ?

J’imaginais difficilement Bokassa au G7 (pour les plus jeunes, voir la vidéo). Même en Chine, les tentations sur-interventionnistes étaient bordées par la nécessité de ne pas fâcher le Client Occidental. Les positions délirantes étaient réservées à la dynastie Kim et à quelques dictateurs africains illuminés.

Dans un tel contexte, que pouvait signifier « souveraineté industrielle », sinon une tentative de vieux fonctionnaires et d’élus à leur botte de restaurer la puissance perdue de l’Etat sur les entreprises enfin affranchies ?

Pourquoi craindre, dans un tel monde, que mon ordinateur « Intel inside » « Powered by Windows » puisse un jour ne plus remplir sa fonction ? Même la présence des mouchards pouvait me rassurer : on ne mure pas une porte sur laquelle on vient de poser un judas.

Et Donald arriva

Et puis Donald arrive, avec l’idée bizarre d’honorer ses promesses électorales, comme le rétablissement de l’embargo sur l’Iran (à l’exception de l’« effet de surprise »).

Et hop ! J’apprends que cet embargo me retire le droit d’utiliser mon ordinateur pour écrire à mes clients Téhéranais ! Que mon téléphone ZTE n’est plus supporté par son fabricant, lui-même condamné à mort pour avoir vendu aux habitants de pays arbitrairement transformés en parias le même modèle de téléphone que celui qui chauffe dans ma poche à moi. Par une sorte d’effet papillon donc, la lointaine décision d’un gouvernement « facétieux » réduit du jour au lendemain l’espace de liberté de l’entrepreneur naïf que je suis.

Soit, je suis naïf. Mais cet événement en fait apparaître de bien plus naïfs que moi ! Moi, pendant que j’ironise, j’utilise quand même mon ordinateur pour faire du business avec l’Iran car je ne pense pas que Donald va prendre la peine de venir frapper à ma porte. Alors que d’autres, réputés bien plus prévoyants que moi, ne peuvent pas se permettre cette liberté.

Par exemple, M. PSA et M. Airbus, eux, tout férus de sécurité qu’ils sont, n’ont même pas pris la précaution d’assurer leur propre indépendance ! Oust ! Finies les 444 000 autos par an, finis les 46 A320, les 38 A330 et les 15 A350 pour Iran Air Tour et Zagros Airline (pour 18 milliards de $ au prix catalogue) [1].

Et tout ça parce que M. STElectronics, M. Thalès, M. Bosch et tous ces champions de stratégie industrielle n’ont pas jugé utile de développer les produits pouvant garantir la liberté de leurs clients. Mais aussi parce que lorsque ces produits existent, les acheteurs ont jugé plus pertinent (moins risqué !) de leur préférer des versions US.

Vous connaissez beaucoup d’entreprises françaises majeures qui ont préféré OVH à IBM, Google et Amazon pour héberger vos données ? Qui ont décidé d’utiliser /e/ sur les téléphones portables de leurs collaborateurs ? Qui ont choisi Qwant comme moteur de recherche installé par défaut sur leurs ordinateurs ? La liste est longue…

Certains objecteront que la technologie des serveurs et des routeurs d’OVH et de Qwant, comme celle des téléphones d’/e/, vient des Etats-Unis… et qu’on ne peut au mieux que repousser le risque. En effet, il n’existe pas de composants adaptés à ces usages et n’utilisant que des technologies européennes. Faut-il d’ailleurs que cette souveraineté soit Européenne ? ou plutôt Française ? Parce que le brexit Anglais et, peut-être demain Italien ou Grec, nous démontre que la territorialité est là aussi un facteur de sécurité bien précaire.

Votez pour les licences libres

Il existe pourtant une solution répondant de façon complète à ce besoin : les licences libres. En supprimant toute dépendance à des réglementations nationales sur la propriété intellectuelle, elles rendent les systèmes qui les utilisent insensibles aux facéties politiques.

Ce n’est pas une souveraineté nationale qui nous apportera la liberté nécessaire à notre développement économique, mais un rapport différent à la propriété intellectuelle.

A l’heure où Donald dessine une géographie économique et technologique bien différente du mondialisme béat auquel nous nous étions résignés, il appartient au tissu entrepreneurial d’utiliser cela comme une opportunité unique d’investir des domaines qu’on pensait saturés. Prenons conscience que concevoir des micro-processeurs n’est plus stupide mais indispensable, dès lors qu’ils mettent en œuvre des technologies libres. Et il en est de même des systèmes d’exploitation, des outils de manipulation de l’ADN [11], ou des solutions de stockage de l’énergie…

Merci Donald. Merci de créer les conditions propices à la réalisation de projets ambitieux, de nouvelles industries qui concurrenceront enfin les leaders actuels par la qualité de leur production, la pérennité de leur utilisation et la satisfaction de leurs clients.

Au moment où j’écris ces lignes me revient la phrase de Picabia : « La seule façon d’être suivi est de courir plus vite que les autres ». Je ne sais pas pourquoi…

[1] Iran Air va donc continuer à faire voler ses vieux A300, A310 et B747 avec des approvisionnements difficiles en pièces détachées. Espérons que les cercueils iraniens ne contiennent pas de technologie US. 
[2]
Franck LEFEVRE

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