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Pour ne pas rater un projet d’innovation : pensez à la métaphore du train.

 

Accident ferroviaire à la gare Montparnasse. Source : Wikipedia.

 

Cela fait un paquet d’années que j’observe, et parfois participe, à des projets d’innovation alliant une composante produit/marketing et une composante technique. Cette association me fait penser à celle de deux rails sur lesquels on doit faire rouler une locomotive pour arriver à destination.

 

Filons la métaphore et distribuons les rôles :

  • Le rail de gauche est le marketing.
  • Le rail de droite est la R&D.
  • La locomotive est le projet.
  • Le terminus est la réussite du projet !

Et pour que la métaphore soit efficace, précisons que les rails ne sont pas tous posés au moment où la locomotive démarre. Ca c’est l’agilité dont la nécessité est maintenant reconnue par chacun : on sait en effet rarement, au début d’un projet d’innovation, comment tout va se dérouler et une partie du chemin va être définie pendant que le train roule.

En voiture !

On comprend vite qu‘il est absolument nécessaire que les deux rails restent toujours parallèles pour que la locomotive ne déraille pas, et ce sur toute la longueur du trajet.

Pour qu’il en soit ainsi, il va donc être nécessaire que chacun des rails ne s’occupe pas que de sa propre trajectoire mais se mette au service de la locomotive et de la destination en prenant constamment en considération les tendances de l’autre rail. C’est aussi une condition nécessaire à l’utilisation de méthodes agiles afin de toujours choisir le meilleur chemin au bénéfice du projet.

Si un des rails décide de virer sans que l’autre ne s’adapte, c’est la catastrophe.

Et dans une entreprise il existe plusieurs raisons pour qu’un rail refuse de s’adapter au mouvement d’un autre :

  • L’objectif commun (= la destination) est mal connu. Ce cas est, bizarrement, très fréquent. Il se rencontre lorsque la raison d’être du projet n’est pas bien définie, ou mal comprise, ou non partagée.
  • Les convictions ne sont pas partagées. Chacun pense que sa direction est la bonne, sans considérer qu’une direction ne peut être bonne que si elle est partagée.
  • Les intérêts de l’un ne sont pas alignés avec ceux de l’autre. C’est aussi une situation courante, en particulier lorsqu’existe une forte composante politique dans l’entreprise. Chacun pense alors à son propre bénéfice, aux dépens du bénéfice global. J’ai souvent rencontré ce cas quand une équipe technique profite du fait que les personnes « produit » ne maîtrisent pas bien les composantes technologiques pour imposer des choix qui correspondent à leurs compétences acquises, à leurs convictions ou tout simplement à leur envie du moment… …quitte à totalement transformer le produit dont le développement avait pourtant été jugé souhaitable pour l’entreprise.

Ensuite, pour que la locomotive avance quand même, un des rails risque de suivre aveuglement l’autre sans comprendre ni requestionner les choix. Le risque est alors grand pour que la locomotive roule bien, longtemps, et n’arrive pas à sa destination mais dans un mur.

Prenons le cas concret qui a fait naître ce billet : dans cette entreprise, l’équipe technique (rail de droite) composée de forts caractères a imposé ses choix techniques, éloignés des besoins clients énoncés par l’équipe projet (rail de gauche) qui n’avait pas les compétences nécessaires pour les contester. « Ha ça ce n’est pas possible », « ha là ça c’est beaucoup trop compliqué », «  mais il faut absolument ajouter ces fonctions… »…

Quand le rail de droite a dévié. Le gauche n’a pu que le suivre pour rester parallèle. La locomotive a donc pu avancer sans bien entendu arriver là où elle aurait dû, d’où l’échec commercial.

Un projet compliqué ? Pas grave si les parties prenantes travaillent ensemble à son succès.   Source : lerail.com

 

En synthèse, tout cela tourne autour d’une valeur principale : le « projet commun ».

Il est important, dans un tel projet, que chacun apporte sa valeur propre liée à sa compétence, mais garde aussi toujours du recul afin de comprendre en quoi chaque action bénéficie au projet global.

 

Vous travaillez à un projet d’innovation ? Posez-vous donc les questions suivantes :

En début de projet :

  • Quelle est la destination ?
  • Est-elle comprise et partagée par tous ?
  • Quels sont les rails ?
  • Qui en dirige la pose ?
  • Quels sont les intérêts personnels de chacun et en quoi l’arrivée du train à destination y contribue ?

Et à tout moment du projet :

  • Cette orientation me semble-t-elle me rapprocher de la destination ?
  • Cette route est-elle dans l’intérêt des poseurs de l’autre rail ?
  • Les rails que je pose sont-ils en accord avec ceux d’à côté ?

Se poser ces questions et y répondre honnêtement aurait certainement pu éviter le déraillement de nombreux trains.

Les assistants vocaux : prochaine baguette magique de l’économie numérique ?

Pour définir la valeur d’une entreprise du numérique et prédire sa rentabilité, les acteurs de ce domaine utilisent des techniques étonnamment simples et efficaces qui sont fort éloignées des méthodes historiques de valorisation des entreprises par le montant de leurs fonds propres[1]. Bien fort serait celui qui prétendrait détenir la méthode parfaite en la matière. Subsiste le fait que si on désire évaluer l’impact de nouveaux systèmes tels les assistants vocaux, il faut le faire avec les outils du secteur, pas avec ceux de la sidérurgie. Ils expliquent de façon arithmétique pourquoi ce qui nous risquerions de considérer comme un simple détail technique (utiliser la voix à la place d’un écran pour accéder à des services) motive actuellement des combats de titans et va certainement modifier durablement la façon dont on fait du commerce sur Internet.

En effet la règle de calcul de la rentabilité prévisionnelle d’une entreprise dans l’économie numérique repose sur quelques indicateurs particulièrement sensibles à l’usage des assistants vocaux. Dès lors, on peut comprendre les investissements gigantesques consentis par Amazon[2] ou Google dans le domaine, pendant que nombre d’acteurs économiques, de notre côté de l’Atlantique, continuent à considérer la voix comme un simple « gadget technologique ».

L’économie numérique privilégie une vision de masse dans laquelle le client est vu d’une façon simplifiée, en le caractérisant par :

–         Un coût d’acquisition client (CAC) : c’est-à-dire ce que l’entreprise dépense pour obtenir un nouveau client. Ce coût va être égal à l’ensemble des dépenses de promotion du service (marketing, publicité, partenariats, réductions de prix, programmes de parrainage, …) divisé par le nombre de clients nouveaux que ces actions permettent de gagner. Comme les activités numériques sont globales, les lois des grands nombres permettent de considérer que la fonction d’acquisition est linéaire. Si, par exemple, nous avons gagné 1000 clients en dépensant 350 000 euros, le coût d’acquisition unitaire sera de 350 euros et nous considérerons dès lors qu’en dépensant 700 000 nouveaux euros nous gagnerons 2000 nouveaux clients. Cette notion est fondamentale pour comprendre la démarche de toutes les grandes entreprises du numérique car elle est la base de leur valorisation. La valorisation d’un réseau social est le produit du nombre de ses utilisateurs par le coût d’acquisition dans le même secteur d’activité. Et ce de façon indépendante du chiffre d’affaires réalisé avec ces clients. La valeur de l’entreprise sera liée au fait qu’elle aura démontré sa capacité à « faire rentrer beaucoup de personnes dans le magasin ». Peut-être n’envisagerons-nous que par la suite ce qu’on pourra leur vendre… Bien entendu, l’intérêt d’une entreprise est de minimiser ses coûts d’acquisition par rapport à ceux de ses concurrents, mais pas nécessairement dans l’absolu, une réduction excessive réduisant sa propre valeur.

–         Une « Life time value » (LTV) : c’est-à-dire le chiffre d’affaires qui va pouvoir être réalisé avec cet utilisateur pendant tout le temps où il va être fidèle à l’entreprise. Cette notion pourrait être remplacée par la « life time profit » comptabilisant la valeur ajoutée et non pas le chiffre d’affaires mais si les services que nous vendons sont numériques leur coût marginal de production[3] est presque nul. Et dans tous les cas, la LTV est le chiffre d’affaires que l’entreprise va retirer à ses concurrents, tendant ainsi à leur éviction du marché. Bien entendu, l’intérêt d’une entreprise est de maximiser la LTV de ses clients. Pour cela, elle va pouvoir étendre son catalogue. Vous noterez là un avantage fondamental d’Amazon (et d’Alibaba…) sur d’autres géants comme Google dont l’offre (la publicité) peut difficilement croître.

–         Un « churn » : c’est-à-dire le taux de défection, qui définit la durée de rétention des clients. Dans le monde du numérique il ne faut pas perdre un client car son coût d’acquisition est alors gâché et tout espoir de revenu est perdu. La qualité de service perçue par le client est donc une clef du succès et elle explique les efforts considérables réalisés en général par ces entreprises sur ce sujet[4].

 La courbe suivante modélise les profits générés par un client :

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Source : BoxOnline.

Si nous regardons maintenant les assistants vocaux par le prisme de ce modèle, nous constatons :

–         La minimisation des coûts d’acquisition : en utilisant un assistant vocal, vous n’avez qu’à payer une seule fois les coûts d’acquisition pour tout un ensemble de services. En effet, une fois que vous avez gagné un client pour un service, lui en proposer de nouveaux de façon pro-active ne vous coûte rien, il suffit de lui parler ! Comme l’utilisateur est déjà connu par le système, il n’aura aucun effort à faire pour devenir client de la nouvelle offre: pas d’application à installer, pas de compte à créer, …

–         La maximisation du nombre de clients : le modèle décrit ici permet de générer une croissance géométrique en multipliant les clients et les offres. Nous pouvons donc prévoir que les assistants vocaux vont bientôt être offerts aux utilisateurs pour en augmenter rapidement le nombre puisque leur coût de production est inférieur aux coûts d’acquisition de l’ensemble des services qu’ils peuvent proposer.

–         La maximisation de la LTV : là aussi les assistants vocaux ont un rendement inégalé puisque, comme nous l’avons vu plus haut, ils permettent de multiplier les services et donc de faire croître continuellement la LTV. Peut-être achetez-vous un assistant vocal pour écouter de la musique ? Mais rapidement vous l’utiliserez aussi pour faire vos courses et, prochainement, il vous proposera de gérer à votre place votre changement de fournisseur d’énergie, ou même votre dentiste.

–         La minimisation du churn : lorsque vous aurez chez vous un assistant vocal qui vous apportera une partie significative de vos services du quotidien, en changer deviendra vraiment complexe. Beaucoup plus complexe que de changer de banque (ce qu’un assistant vocal sait d’ailleurs faire à votre place !). Changer d’assistant vocal demande un effort comparable à celui nécessaire pour passer d’un iPhone à un téléphone Android. Et cela presque personne ne le fait, pas même les jeunes générations qui changent pourtant d’opérateur téléphonique, de banque ou d’assurance à chaque nouvelle promotion. On peut donc anticiper que très peu d’utilisateurs feront l’effort de changer ce fournisseur là, sauf à être vraiment mécontents de l’actuel.

Au cœur de l’économie numérique, les assistants vocaux semblent donc pouvoir devenir l’arme absolue de tout opérateur, en lui donnant le contrôle les interactions entre les offres et leurs clients.

Et là je vous entends dire « mais moi cela ne m’intéresse pas de parler à un robot pour faire mes courses et je ne veux pas être accro à une telle machine ». Possible. Mais n’avez-vous pas déclaré en 2005 que vous ne regarderiez jamais un film ni ne liriez jamais le journal sur un téléphone ?

 

Note: cet article a initialement été publié sur Linkedin.

 

 

 

[1] Les règles comptables utilisées en France consistent souvent à estimer la valeur et la solidité d’une entreprise à partir du montant de ses fonds propres et de son chiffre d’affaires. Le premier est d’ailleurs souvent celui qui plafonne les plafonds d’intervention des organismes publiques comme BPIFrance.

[2] https://www.developpez.com/actu/194102/Amazon-embauche-plus-de-personnel-technique-pour-Alexa-que-Google-pour-toutes-ses-activites-son-assistant-numerique/

[3] Pour rappel, le coût marginal de production d’un bien ou d’un service est le coût de production d’un nouvel exemplaire de ce bien ou de ce service, une fois que les charges fixes de production (recherche et développement, conception, outillage, machines de production, …) ont été absorbées. Par exemple le coût marginal de production d’une nouvelle pièce en plastique produite en grande quantité est souvent très bas mais il aura fallu dépenser beaucoup d’argent pour réaliser la première pièce.

[4] Le service client d’Amazon est réputé exemplaire. L’entreprise en fait assumer une large part par ses propres fournisseurs.

Les services vocaux, porteurs des enjeux de la troisième révolution numérique.

Cela fait maintenant plus d’un an que les premiers assistants vocaux  domestiques (« Google Home » et « Alexa » d’Amazon) sont présents en France. Quelques acteurs français, assujettis aux GAFA, sont dans les starting-blocs pour proposer « leurs » offres, dont Orange. Les industriels B2C français développent et testent (presque) tous des « skills » vocales. Tout cela confirme que ces objets vont à court terme faire partie de notre quotidien à tous, à côté de nos ordinateurs, de nos tablettes et de nos téléphones.

Alors que certains considèrent que la voix n’est qu’un nouveau moyen, plus simple, pour accéder aux services déjà offerts par les écrans, le projet HomeKeeper repose sur la conviction que les changements induits par la généralisation de l’usage de la voix vont changer en profondeur la façon dont nous interagissons avec tous ces services.

Il peut dès lors être intéressant d’énumérer les véritables enjeux de l’usage de ces assistants vocaux.

Enjeu  1 :  un système d’exploitation propice à la création et la diffusion d’une gamme de services large et ouverte

A l’instar d’Android dans le monde du mobile, ou de Windows dans l’univers du PC, les système d’exploitation purement vocaux vont faire partie des systèmes d’exploitation dominants de l’Internet. Mais plus encore que pour les OS classiques, ces nouvelles plateformes se transforment déjà en écosystèmes relativement fermés afin de capter l’ensemble de la valeur produite par les échanges entre la machine et l’usager. Il est donc important de disposer d’un système ouvert qui ne soit pas au service d’une entreprise unique et qui, au contraire, puisse permettre à toute organisation de créer et rendre accessibles ses propres services pour des coûts faibles et en toute liberté.

Enjeu 2 : des services adaptés et personnalisés

L’accès à ces services ne se fera plus simplement par de simples terminaux , mais par le croisement de  multiples équipements synchronisés (capteurs divers, écrans, calculateurs, etc.)  afin de fabriquer des scénarios et des cas d’usages hautement personnalisés, et cela en fonction des spécificités de chaque citoyen : c’est le concept de conciergerie universelle, pour tous les services qui peuvent être rendus à un usager via un assistant domestique intelligent.

Enjeu 3 : des territoires souverains dans leur économie numérique

L’essentiel des technologies utilisées par les assistants vocaux sont actuellement proposées par des entreprises américaines et chinoises, avec des données hébergées sur leurs territoires et tombant ainsi sous le contrôle total de leur juridiction. C’est aujourd’hui une problématique forte pour l’acceptation des IA par les Français, et la participation des collectivités à leur développement.

Sans action spécifique, l’Europe risque de devenir le “tiers-monde” de cet univers numérique.  A la façon dont les pays les plus pauvres exportent à coûts tirés leurs matières premières qui sont transformées, et donc valorisées, dans les pays riches, nous fournissons nos données et nos services numériques à ces géants. Ils les transforment, y apportent la valeur ajoutée et nous les re-distribuent en ayant capté la valeur ajoutée.

Enjeu 4 : un modèle économique durablement rentable

Le modèle économique des assistants vocaux passe, pour la majorité d’entre eux, par la vente d’équipements bon marché. Leur objectif essentiel est la consolidation de leur modèle économique existant. Aujourd’hui, Amazon offre gratuitement des assistants à ses meilleurs clients.

Les stratégies et les modèles économiques d’acteurs comme Google et Amazon n’étant pas identiques, ces différences se répercutent dans les systèmes vocaux qu’ils poussent : alors que Google gagne de l’argent par la promotion des services (publicité), Amazon en gagne en tant que (pseudo) place de marché des services (gestion de la promotion, de la transaction et de la logistique) créés par les marques (Uber, Pizza Hut, Tide…)

Il est donc indispensable de développer de nouveaux modèles basés sur la rémunération directe des relations entre les services et la satisfaction de leurs utilisateurs. Seul un tel modèle direct peut éviter les dérives inhérentes aux démarches publicitaires et/ou monopolistiques.

Le projet collaboratif HomeKeeper dont Digital Airways est un partenaire très impliqué, entend participer à créer une réponse technique, économique et partenariale à l’ensemble de ces défis.

 

Skipit et la domotique: la voix de son maître.

Nous montrons souvent ici des services de la plateforme HomeKeeper ( https://home-keeper.io ) rendus disponibles par l’assistant Skipit.

Mais Skipit est aussi une plateforme domotique complète. Il supporte de nombreux protocoles et il est possible d’y développer très simplement des scénarios domotiques complets. Très bientôt, il sera même possible à l’utilisateur de créer ses propres applications vocales… …en lui parlant !

Un exemple ? Dites lui donc : « Quand la porte s’ouvre, merci d’allumer la lumière du couloir et de me prévenir. Si je ne suis pas à la maison, dis le moi par SMS. ». A suivre donc…

Cette vidéo montre un exemple de telles applications utilisant des objets connectés de la société française Otio/Bewii ( http://www.bee-wi.com/ ).

Le traitement de la voix visible ici peut être fait sans aucun appel au cloud, ni aux plates-formes extra-européennes !

 

 

Accéder à des informations ultra-locales par n’importe quel assistant vocal.

La plateforme Salamalecs de Digital Airways est aussi utilisable pour construire des services vocaux très personnalisés à partir de contenus déjà accessibles sur le Web. Le service suivant peut-être rendu accessible par n’importe quel assistant vocal mais il a été développé pour le projet HomeKeeper dont l’objectif est de mettre l’intelligence artificielle au service d’offre locales. Les contenus ici utilisés sont ceux de Actu.fr et des 90+ journaux locaux du groupe PubliHebdo, filiale du groupe Ouest-France.   

L’intelligence artificielle est-elle stupide ?

Le pouvoir médiatique de l’oxymore « IA », Intelligence Artificielle, entraîne une cohorte de fantasmes et d’idées fausses. Il convient pourtant de prendre l’ensemble au sérieux et d’en comprendre quelques réalités pour faire des choix de société en connaissance de cause.

(Ilustration : Fille née sans mere 1916-18 – Francis Picabia )

Dans notre quotidien, nous côtoyons principalement deux branches de l’IA ou Intelligence Artificielle.

La première est l’apprentissage profond (de l’anglais deep learning, ou machine learning). Il permet à un ordinateur de produire une information non plus « à la papa », à partir d’une séquence d’instructions qu’on lui a programmée, mais par une « prise d’habitudes ».

Imaginons qu’on introduise dans un tel système, quotidiennement et pendant de nombreux jours, un ensemble de données comme l’ensoleillement de la veille, l’humidité de la veille, le vent de la veille, la température de la veille et le temps qu’il fait aujourd’hui. Après avoir fourni un grand nombre d’exemples au système – la « phase d’apprentissage» – il va arriver un moment où en ne lui fournissant que les données du jour,il va estimer la météo du lendemain avec une fiabilité acceptable.

Apprentissage ou habitude ?

Cette approche par classification est extrêmement efficace pour reconnaître des chats sur des photos, anticiper une panne mécanique sur une voiture ou savoir si un produit en bout de chaîne de fabrication est conforme ou pas.

On peut raisonnablement penser qu’elle sera vite très efficace aussi pour anticiper des maladies. Ou offrir d’autres avantages, qu’on ne détaillera pas ici.

Le principe du deep learning, c’est donc d’utiliser les« habitudes », le passé pour anticiper l’avenir. Untel système est donc par nature conformiste. Et totalement incapable de prévoir un événement qui n’est pas dans la continuité de ceux qui se sont déjà passés. En tout cas pas plus que votre voyante préférée.

Les assistants vocaux sont sur-vendus

La seconde branche principale de l’IA concerne l’interaction entre l’homme et la machine, et en particulier le traitement du langage naturel. Pour une machine,pouvoir répondre à une question posée par un homme demande trois étapes :entendre ce que l’utilisateur a dit, comprendre le sens de sa demande et répondre à son attente.

C’est en utilisant le deep learning que les géants de l’internet ( Google, Facebook, Microsoft, IBM, Apple, Amazon,…) ont récemment fait d’énormes progrès sur la première étape. En entraînant leurs algorithmes avec les demandes que nous formulons tous à leurs systèmes, ces derniers ont acquis une efficacité comparable à celle des humains.

Et ensuite… Le système va-t-il être en mesure de « donner du sens » à ce que dit l’utilisateur ? Là les choses se gâtent : les systèmes actuels sont très peu en mesure de comprendre ce qu’on leur dit.

Beaucoup moins que poussent à le croire les exemples donnés par ceux qui commercialisent les assistants vocaux actuels comme l’Echo d’Amazon ou le Google Home.

Parce que là non plus, comparaison n’est pas raison.

Si je demande à la machine « Apporte moi une baguette de pain», elle va être incapable de « deviner » une réponse satisfaisant ma demande,parce qu’incapable d’effectuer une action qu’on ne lui a pas apprise, comme passer une commande à mon boulanger pour que mon pain me soit livré.

Cette limitation est due au fait que cette dernière demande ne peut pas être simplement associée à une information. Elle doit induire l’exécution d’une suite d’actions (la troisième étape).

Et quand cela est possible, comme pour envoyer un SMS par exemple, c’est parce qu’un humain a associé la demande à une fonction que le téléphone peut réaliser. De telles fonctions ne sont pas, à ce jour, « inventées »par les machines mais programmées « à la main », par des humains rares, chers et difficiles à gérer.

Les machines ne sont pas (encore) capables d’apprendre toutes seules à faire des choses

Ne nous leurrons donc pas : dans l’état actuel de la technologie, la très grande majorité des actions réalisées par les assistants vocaux ne sont donc pas inventées par les machines mais programmées spécifiquement par des informaticiens.

Prétendre que les machines sont en mesure, grâce à l’IA,d’apprendre toutes seules à faire des choses est à ce jour une supercherie. Comme l’est prétendre que les machines peuvent anticiper une situation qui n’a jamais été rencontrée.

Convenons que la loi des grands nombres et la numérisation de l’ensemble des activités humaines permet de faire de la classification avec une grande efficacité.Convenons que cela va bouleverser fortement notre quotidien.

Convenons que l’écart entre classer de l’information et la comprendre est (encore) de taille. Et convenons que de la façon dont nous gérerons la réduction de cet écart dépendra la société vers laquelle nous nous dirigeons.

Franck Lefèvre, Décembre 2018

Cet article a initialement été publié dans « Le Journal de la Voix« .